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Aux villes orphelines


Aux villes orphelines


Du haut de la colline je contemple Le visage d’une ville que j’aime.


Fond de mer asséché, cristallisations cubiques, Un géant rejoindrait l’horizon à cloche-pied! Des oies libres me narguent d’un beau « V », épiant les romances aux cocktails des toits terrasses.


L’université chante de jeunes années aux fêtes insouciantes. Les rues foisonnent de souvenirs, de rires, d’échos de découvertes, de décisions prises sur les pavés.


Cette ville est belle, Belle du monde qui l’arpente.


Quelques vieillards flâneurs glanent des soupires Sous les bancs ignorés, des retrouvailles aux vitrines nostalgiques. Des êtres se regardent, se croisent, se frôlent, s’activent pour que chacun déniche ce dont il a besoin au quotidien.


Une fourmilière costumée, écosystème symbiotique de pierres et de peaux, Hématies qui frétillent dans la nuit et dont la danse rouge des phares dévoile des abris à ceux qui crèchent sous la voûte Des lampadaires.


La marée vibre, déferle dans les ruelles étroites et sur les grands boulevards, fissure aux murs les stigmates de nos respirations. La ville revêt l’âme de ceux qui l’habitent. Un miroir aux civilisations.


On lui ressemble, avec le temps ! On adapte nos pas à ses dédales, Nos allures à son pouls, On décore de cheveux verts ses toits, ses squares, greffant aux lieux une qualité à vivre. Compagnons peu envahissants, Précieux, comme de discrets voisins.


Du haut de mon tertre, je reconnais fleurir un peu de mes racines dans les parcs entretenus. Trop délicates, pour oser les faucher.


Soudain, je tressaille. Un vent d’effroi s’invite et me fait frissonner. Une rafale soufrée à la traine hurlante bouscule les nuages.


Des bombes tombent du ciel.


Sous mes yeux impuissants s’écroulent les façades qui, tels des livres, renfermaient mon histoire. Les pages s’embrasent, partent en fumée. La ville se consume, Hurle. Étouffe.


Des plâtres noircis avalent mon ombre aux murs que je rase Et mon identité s’effrite sous les roues de la voiture qui accélère. Le monde se dissout dans un nuage de poussière meurtrie.


La ville affronte le combat. La pluie haineuse ruisselle aux toits des larmes métalliques, rejoint les rigoles, les berges des pavés, trébuche, et à la fin, se noie, dans les remous opaques des fleuves citadins.


Le cauchemar s’est dissipé mais son souvenir me hante. Il marche sur mes talons.

Sous le crépuscule rose des brumes lyonnaises, je perçois L’onde de choc. Les peuples démolis. Le grondement de la guerre.

Les gémissements lointains de mondes renversés ébranlent les mémoires érigées dans les pierres.


L’air du soir, ce soir, Escorte la complainte Des villes orphelines




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